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Javier Milei : symptôme ou remède des maux argentins ?
À l’aube du XXe siècle, l’Argentine figurait parmi les nations les plus riches et les plus dynamiques de la planète. Son expansion économique, portée par un secteur agricole florissant, une politique libérale tournée vers l’extérieur et une vague migratoire d’une ampleur inédite, la hissait au rang des puissances émergentes. Pourtant, le pays, souvent perçu alors comme une « terre de promesse », s’est progressivement enfoncé dans une série de crises économiques et sociales, mettant à mal son statut envié et son potentiel de croissance. Le mal argentin – stagnation du PIB, hyperinflation, dévaluations à répétition, crises monétaires, endettement chronique, interventions du FMI – s’est installé durablement, suscitant une profonde désillusion chez les citoyens. Le contraste est saisissant : là où l’Argentine aurait pu poursuivre sa marche vers un développement soutenu, elle s’est retrouvée prise dans un cercle vicieux de politiques hasardeuses et de choix économiques discutables, entre protectionnisme, populisme et rigueur budgétaire imposée.
Ce déclassement macroéconomique, marqué par une succession de coups d’État, d’expériences néolibérales inachevées, de retours à un nationalisme économique fébrile, a profondément altéré le tissu social et politique du pays. Les défis structurels—dépendance aux matières premières, faiblesse de l’industrie, fragilité institutionnelle—n’ont jamais été véritablement résolus. Au contraire, ils ont alimenté un climat de méfiance à l’égard des élites traditionnelles, de l’establishment politique et des partis historiques qui, de Juan Perón jusqu’aux Kirchner, ont tenté tant bien que mal de proposer des réponses. Les mouvements sociaux, la montée du syndicalisme, les épisodes successifs d’austérité et de relance, les tentatives de stabilisation par la dollarisation partielle ou l’encadrement strict des capitaux : aucune de ces expérimentations n’a réussi à enrayer durablement la spirale descendante de l’économie argentine. [...]
Danger sur le Made in France ?
Le « Made in France » est en difficulté structurelle depuis les années 70 et la fin des trente glorieuses. Deux événements sont assez structurant pour expliquer ces difficultés : les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979 ainsi que la mondialisation néolibérale. Les deux chocs pétroliers ont miné la compétitivité d’une série de secteur industriels qui se sont reposés sur une énergie peu chère pour être compétitif. Tandis qu’avec la mondialisation néolibérale et l’accélération des traités de libre-échange, les pouvoirs publics ont accompagné la délocalisation d’une partie de notre appareil productif vers les pays émergents, ce qui a permis de maintenir le pouvoir d’achat des classes moyennes occidentales pendant un certain temps.
Au-delà de ces deux mutations qui ont touchés ce qu’on appelle désormais les « pays anciennement industrialisés », des causes profondes ont touché notre pays pour affecter nos producteurs nationaux. On peut diviser les explications en deux catégories : celle qui frappe notre compétitivité cout et celle concernant la compétitivité hors cout. Sur la première, on peut citer nos difficultés résultant de choix économiques et sociaux qui alourdissent le cout du travail, notre productivité, le temps de travail hebdomadaire ou tout le long de la vie, des normes contraignantes et des politiques fiscales prohibitives. De même, sur la seconde, la France accuse un retard important sur la recherche et le développement ainsi que sur l’investissement, ce qui nous place en position délicate sur la transition énergétique et du développement durable ainsi que sur la révolution industrielle 4.0[...]
Read the text (in French)Accord UE-MERCOSUR : quelles conséquences pour l’Europe ?
Le Mercosur – ou Marché Commun du Sud – est un bloc commercial d’Amérique du Sud fondé en 1991 par le traité d’Asunción. Il regroupe actuellement cinq pays membres : l’Argentine, le Brésil, le Paraguay, l’Uruguay et la Bolivie, qui a rejoint l’organisation en 2015 après la signature du traité en 2012, le Venezuela est actuellement suspendu en 2016. Le Mercosur représente une zone économique majeure, avec plus de 260 millions d’habitants et un PIB combiné supérieur à 2 500 milliards de dollars. L’objectif initial du Mercosur était de favoriser l’intégration économique régionale, notamment à travers la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes. L’organisation s’est progressivement élargie, cherchant à étendre son influence au-delà de l’Amérique du Sud, en établissant des partenariats commerciaux avec diverses régions du monde, dont l’Union Européenne. La gouvernance du Mercosur repose sur une série d’institutions visant à faciliter la prise de décision collective et à promouvoir l’intégration des économies des pays membres. Parmi celles-ci, la Présidence et le Conseil du Marché Commun (CMC) occupent une place centrale dans la coordination des politiques économiques et commerciales. Le CMC est composé des ministres des Affaires étrangères et des ministres de l’Économie des pays membres et est responsable de la définition des orientations stratégiques du Mercosur. Les Décisions du CMC sont parfois complétées par des Résolutions, qui concernent les aspects techniques de l’intégration, tels que les réglementations sur les tarifs douaniers, les accords commerciaux et les normes sanitaires. Cependant, la prise de décision au sein du bloc se heurte parfois à des difficultés liées à l’absence d’un système de gouvernance supranationale comparable à celui de l’Union Européenne, limitant la capacité du Mercosur à imposer des changements importants à ses membres, en particulier dans des contextes de divergences politiques internes.
Crise de la dette : vers un tournant de la rigueur ?
À la fin du mois de novembre, l’agence Standard and Poor’s donnera son avis sur la crédibilité de la signature française en matière de solvabilité. Or, la note attribuée par des agences est essentielle pour garantir la crédibilité d’un État et sa capacité d’emprunt. Une bonne note permet à la France de financer ses besoins en émettant des obligations (OAT) à des taux d’intérêt faibles, car elle inspire confiance aux investisseurs. Seulement, les investisseurs ne connaissent pas la France et s’appuient sur cet avis alors qu’ils représentent 53% des détenteurs de notre dette. En cas de dégradation de la note, la confiance des marchés diminue, forçant l’État à offrir des taux d’intérêt plus élevés pour attirer des fonds. Cela alourdit le coût total de la dette publique et limite les marges de manœuvre budgétaires dont vous parliez plus haut.
A ce titre, Emmanuel Macron porte une immense responsabilité. Alors que sa politique de l’offre produisait des premiers résultats entre 2017-2020, il bénéficiait aussi d’une diminution de la charge de la dette (les intérêts payés sur la dette), passant de 40 milliards d’euros en 2017 à près de 28 milliards d’euros en 2020. Il aurait fallu en profiter pour mener des grandes réformes structurelles. A contrario, il a utilisé les remèdes mitterrandiens aux résultats désastreux : + 1 000 milliards d’euros de dettes et une charge de la dette qui pourrait devenir en 2027 le premier poste de dépenses de l’État à 80 milliards d’euros !
Or, le nouveau gouvernement doit affronter deux difficultés pour mettre en place des politiques structurelles. D’une part, l’absence de majorité absolue. Dans une Vème République organisée autour du fait majoritaire depuis 1962, c’est la traduction d’une absence de marges de manœuvre pour prendre des décisions empiétant sur l’avenir du pays. D’autre part, le gouvernement a une durée de vie supposée limitée. Il n’est même pas certain d’exécuter le budget qu’il fera voter avec la menace d’une censure. [...]
How has liberalism partly eradicated poverty?
Le libéralisme économique est souvent une source de débats passionnés, notamment en France. Ses détracteurs dénoncent ses dérives, qu’ils associent à l’accentuation des inégalités, la concentration des richesses et la domination des multinationales. Cependant, au-delà de ces critiques, se trouve une réalité économique incontestable : le libéralisme a été l’un des plus puissants leviers de réduction de la pauvreté dans l’histoire moderne. À travers son écosystème fondé sur la liberté d’entreprendre, l’ouverture des marchés et la concurrence, le libéralisme a permis à des millions de personnes à travers le monde de sortir de la pauvreté, favorisant une prospérité partagée et des progrès sociaux majeurs.
Depuis le XVIIIe siècle, avec les premières révolutions industrielles, les sociétés ayant adopté les principes du libéralisme ont vu émerger une croissance économique sans précédent. Les innovations technologiques et l’industrialisation, deux piliers du capitalisme libéral, ont engendré des gains de productivité significatifs. Ces gains ont transformé non seulement les économies occidentales mais aussi, plus tard, celles de pays en développement prenant ce tournant idéologique, où des millions de personnes, autrefois condamnées à la pauvreté extrême – notamment à cause de la mise en pratique d’un communisme délétère -, ont vu leurs conditions de vie considérablement s’améliorer. Dans les années 1980 et 1990, avec l’accélération de la mondialisation et la libéralisation des échanges internationaux, ces dynamiques se sont amplifiées. Des pays comme la Chine, l’Inde et plusieurs États d’Asie du Sud-Est[1] ont adopté des réformes libérales, intégrant leurs économies dans le système mondial. Résultat : des centaines de millions de personnes sont sorties de la pauvreté et de nouvelles classes moyennes ont émergé. Le cas de la Chine est particulièrement frappant. En l’espace de quelques décennies, des réformes basées sur le marché ont permis de faire passer des centaines de millions de personnes de la misère à un niveau de vie nettement supérieur, ce que même les politiques de redistribution les plus ambitieuses n’auraient pu accomplir sans la croissance alimentée par l’ouverture économique exceptionnelle de son maillage industriel. [...]
What are the economic risks of government instability?
Since the dissolution by the President of the Republic, France has entered a situation unprecedented in the Fifth Republic: there is no longer a majority in the lower house of Parliament, the National Assembly. In fact, two months after the results of July 7, 2024, the 11 parliamentary groups expressed, through their party leaders during consultations with Emmanuel Macron, that there were three options for a government coalition, in other words three blocs: a bloc around the Rassemblement National (142 deputies), a bloc around the Nouveau Front Populaire (193 deputies) and a “central bloc” around the center and right-wing parties (235 deputies).
However, no government from one of these blocs (the government is accountable to the National Assembly) can survive a motion of censure voted by the other two blocs. As a result, France experienced an initial phase of political instability, with a resigning government held in place for almost 60 days - a record under the Fifth Republic - long enough for consultations to take place in an attempt to avoid this situation. The appointment of Michel Barnier, a consensual profile, was judged by the President of the Republic to be the most capable of surviving a motion of censure, thanks to the neutrality of the Rassemblement National. However, the balance of power in the National Assembly has not changed, and the country is thus threatened by governmental instability, i.e. a succession of governments overthrown by the National Assembly.
Government instability is bound to have a deleterious effect on the economic and public policies pursued by the executive, particularly those with a long-term focus. More specifically, economic policy is one of the main victims of political instability, since it is based on structural policies spanning several decades (industrial policy, trade policy, competition policy, etc.) which require a long-term vision. Similarly, cyclical policies (fiscal policy, employment policy, etc.) also depend on economic cycles, which sometimes call for counter-cyclical decisions that can be politically unpopular...
Read the text (in French)Von der Leyen: Crisis commissioner or revolutionary commissioner?
The European Union is at an historic turning point, and must write a new page in its history. It currently finds itself in a global context marked by the predominance of the logic of power, illustrated in particular by the intense competition between China and the United States. The Sino-American rivalry is shaping international dynamics, as the two superpowers vie for political, economic, technological and geopolitical leadership. Europe is also witnessing the resurgence of Empire-Nations (Russia, Turkey, Iran, China, etc.) seeking to become hegemonic regional powers. This accentuates the world's tendency to become increasingly competitive, as governments no longer hesitate to use all their power to support their strategic economic players.
In addition, Europe is facing transnational challenges that threaten its very existence, such as the migration crisis, with a third of the world's 100 million migrants destined for Europe in the next few years, and the environmental crisis, with the multiplication of climatic disturbances (natural disasters, etc.). All these challenges call for new approaches and massive, coordinated responses. Against this backdrop, the institutions of the European Union will need to be renewed. On the one hand, the European elections on June 9 may lead to a reconfiguration of the balance of power within the European Parliament. Secondly, as required by the European institutions, the term of office of the current President of the European Commission, Ursula von der Leven, is coming to an end. Ursula von der Leyen, born in October 1958 in Ixelles, Belgium, is a German politician who has held the position of President of the European Commission since December 1, 2019. She is the first woman to hold this prestigious position. A medical graduate with a doctorate, von der Leyen began her political career by joining the Christian Democratic Union (CDU) in 1990. Her political career has been marked by leading ministerial positions in Germany, including Minister for Family Affairs, Senior Citizens, Women and Youth (2005-2009), Minister for Labor and Social Affairs (2009-2013), and finally Minister for Defense (2013-2019). His experience and commitment to European integration were decisive in his appointment as head of the European Commission.
Was Von der Leyen a good crisis manager or, on the contrary, did she accentuate European weaknesses?
State shareholder: is the State a good manager?
France has a tradition of colbertism and state intervention. Through various levers, such as shareholding in factories and companies, public financing, tax incentives and public procurement, the French state intervenes in the economy to support our players and enable them to compete with the rest of the world.
From the 1980s onwards, the neoliberal revolution led by Margareth Thatcher in the UK and Ronald Reagan in the USA reduced the scope of state intervention. In France, after the failure of the socialist and Keynesian policies of the François Mitterrand and Pierre Mauroy tandem in 1981, France attempted to follow this fundamental trend. This was reflected in the first wave of privatizations by Jacques Chirac's government, contained in the first ordinances following the Right's victory in the 1986 legislative elections, which began with the Saint-Gobain group. Since then, the momentum seems irreversible, and all successive governments have participated in the 41 public companies privatized over the period 1986-2020, in all sectors of activity (primary sector: CGE, Elf Aquitaine, Total, Engie, etc.; secondary sector: Saint-Gobain, Renault, Péchiney, Arcelor, Safran, Nexter, etc.); tertiary sector: TF1, Havas, Société Générale, Paribas, Crédit Lyonnais, Air France, France Télécom, airports and freeways, FDJ, etc.).
French President Nicolas Sarkozy revived the debate on the State as shareholder by renationalizing the 20% of EDF that was not owned by the State. Today, the State as shareholder still exists, but its presence in the shareholding of CAC 40 companies has dwindled to 1.9%, compared with almost 20% in 2000. At a time when the health crisis has put the need for state protection of strategic sectors, such as the energy sector, back at the center of public debate, is the state shareholder a good manager?
The aim of this report is to take stock of the state as a shareholder and the stakes involved in its intervention, to determine whether the consensus around the “return” of the state to companies is relevant, particularly at a time when our country has the 3rd largest public deficit in the European Union (5.5% in 2023 according to the latest figures published by INSEE).
The means of justice
For decades, the French justice system has been accused by many of our fellow citizens of being unimaginably lax. And yet, the same causes are highlighted: a lack of human, financial and structural resources. These shortcomings are not only the main causes of our justice system's setbacks, but also the reasons behind the impressive delays in getting a case to trial.
Gasoline report
For several months now, soaring fuel prices have been taking a heavy toll on the purchasing power of French households. Even before the war in Ukraine, the price per barrel had reached historic highs. This vertiginous rise is rapidly having repercussions at service stations, turning filling up for the French into an ordeal. The average Frenchman with a 45-liter tank will have seen his fill-up price rise from 65 euros and 11 centimes on August 31, 2021, to 92 euros and 97 centimes on March 8, 2022. This increase of around 30% should make us reflect on our geopolitical choices in terms of fuel imports, our consumption patterns and our taxation.